Rencontre avec Hervé Poeydomenge

Peux-tu définir ton métier, costumier de façon concrète ?
Le costumier est là pour mettre en image ce que le metteur en scène a dans la tête. Pour donner corps au personnage. Les premières étapes de travail sont des discussions avec le metteur en scène autour du texte pour essayer de comprendre et d’être en adéquation avec ses intentions de mise en scène. Il s’agit de chercher la bonne image, le bon sens pour un personnage. Le costume et l’accessoire permettront la définition du personnage.

Est-ce que tu crées toi-même les costumes ?
Ça dépend. Certains sont des créations intégrales, d’autres sont des vêtements récupérés chez Emmaüs ou aux puces que je transforme. Il y a beaucoup de manière de transformer un costume : la teinture, l’assemblage. Il m’arrive par exemple de créer une robe à partir de deux robes différentes pour trouver un mélange de matières. Avant de me lancer dans la création, je fais des propositions qui passent parfois par des dessins ou des références à des images ou à des tableaux. Pour cette création, j’ai essayé de me poser la question de ce que pouvait évoquer la figure du pingouin dans notre société, dans notre imaginaire collectif. J’ai pensé à des dessins animés comme La Marche de l’empereur ou Happy feet. Très vite, c’est la notion de groupe, de bande, de communauté qui est apparue. J’ai observé les groupes de touristes qui suivent leur guide et se déplacent ensemble, les groupes qui se déplacent pour aller au stade, les foules. J’ai observé ces bandes de jeunes qui se retrouvent aux Halles à Paris. Dans leurs vêtements, les codes se mélangent, on ne distingue plus le genre de la personne parce qu’ils portent tous, garçons et filles, des joggings qui masquent leur forme. Cet effacement du genre m’intéresse parce que chez le pingouin on ne distingue pas le mâle de la femelle. Et puis, la silhouette du pingouin m’évoque aussi une allure assez graphique que je pense souligner avec l’utilisation d’un tissu plissé à certains endroits. J’aimerais modifier la silhouette des corps humains en rajoutant des épaulettes par exemple pour faire en sorte que les limites du corps soient moins déterminées. J’ai envie de m’amuser avec les points communs qui peuvent exister entre les morphologies de l’homme et du pingouin; de créer un encombrement parce que nous avons aussi l’image du pingouin comme un animal gauche, contraint, engoncé. J’utiliserai certainement l’écharpe pour gommer le cou. Je cherche pour l’instant.

Est-ce qu’il y aura une création de maquillage ?
En me documentant sur le pingouin, j’ai remarqué l’aspect broussailleux du sourcil que j’aimerais faire apparaître avec des plumes noires peut-être. Ce serait une manière d’animaliser l’être humain. J’aimerais aussi trouver quelque chose du groupe, comme un code pour les pingouins : peut-être un teint particulier, peut-être le haut du visage maquillé. Tout est en réflexion pour l’instant.

Tu as beaucoup parlé des pingouins, as-tu également des premières idées pour la colombe ?
Pour l’instant, j’imagine une silhouette gracile. En discutant avec Betty, nous pensions à la figure de l’hôtesse de l’air et du petit soldat. Encore une fois, nous parlons de la colombe, nom féminin mais son genre n’est pas défini… Je sais que Betty veut évoquer la question d’un mariage homosexuel à la fin du spectacle en s’emparant du fait que deux animaux d’un espèce différente se marie. Ici, ce sont deux filles qui jouent les rôles du pingouin et de la colombe qui s’unissent à la fin. Quand le pingouin se déguise, j’aimerais que seuls certains accessoires permettent au spectateur de comprendre le travestissement en colombe: des gants blancs, une toque par exemple…

Comment se répartit le travail avec le scénographe ? Qui prend en charge les accessoires ?
La limite est sensible. Par exemple, la valise est un élément central de la pièce qui est plus de l’ordre de la scénographie. Mais, nous sommes en dialogue avec Damien (le scénographe) sur le choix de la couleur de cette valise par exemple. Le costume est une des écritures du spectacle, en dialogue avec les autres et particulièrement la scénographie.

Quand penses-tu que les costumes seront finis ?
À Pessac en février, tout sera bouclé. Je reviendrai ensuite 4 ou 5 jours avant la première pour d’éventuelles modifications. Ensuite, je passe la main à l’habilleur présent dans chaque structure qui accueillera le spectacle. Pour cela, je réalise des fiches d’entretien des costumes, des conduites pour le maquillage… Je prévois la suite sans ma présence.

Concernant la coiffure, as-tu également des idées aujourd’hui ?
Je pense que les chevelures seront toutes masquées par le port d’un chapeau. Pour les pingouins, je pense à des casquettes qui rappelleront le bec de l’oiseau et qui permettront aussi d’introduire le micro dans le costume. C’est une illustration du travail collectif dont je parlais tout à l’heure. J’échange avec le créateur son pour la sonorisation des comédiens et le camouflage des micros. Je suis en dialogue avec tout le monde, comme tous, parce que le résultat final doit réfléter une réflexion collective.


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